Aménagement urbain, Architecture, Archives, Histoire, Vie municipale
En 1934, Boulogne-Billancourt découvrait sa nouvelle maison commune
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Voir aussi : La construction de l’hôtel de ville en images
Exposition "L’hôtel de ville, notre histoire commune", jusqu'au 12 avril
L’ancêtre du BBI décrit l’organisation de la nouvelle mairie en 1934
L’article de l’époque détaille la répartition des services de la nouvelle mairie, ainsi que la désignation des bureaux par guichet. Du sous-sol au quatrième étage, en passant par les vestiaires et les toilettes, tout y est décrit. Le Bulletin municipal officiel indique la présence d’un garage au sous-sol, à côté de la chaufferie, et de locaux pouvant servir de magasins. De nos jours, on y retrouve désormais les archives municipales, mises à l’abri en vue de leur conservation.
Le rez-de-chaussée de l’époque correspond à notre rez-de-jardin actuel. Ainsi, le grand vestibule comprend "les guichets de paiement des allocations d’assistance", ainsi que "les bureaux des administrateurs du Bureau de bienfaisance", ancêtre du centre communal d’action sociale (CCAS), dont le rôle est d’assurer une assistance médicale. On apprend également que "les water-closets réservés au public sont situés au fond et à gauche du grand vestibule" et que des appariteurs de service sont présents "entre les ascenseurs".
Les bureaux de la "Justice de Paix", des "Affaires militaires"…
Les ailes droite et gauche du bâtiment sont "réservées pour les services de la police et de la justice de paix" cette dernière, créée en 1790, ayant été remplacée en 1958 par les tribunaux d’instance. À présent, la police municipale occupe une des ailes. L’actuel service de la communication, où est rédigé le BBI, a longtemps été occupé par la bibliothèque municipale, jusqu’à l’ouverture de la médiathèque Landowski, en 1999.
En revanche, le grand hall du rez-de-chaussée actuel, et anciennement premier étage, a très peu évolué : il accueille les services administratifs tels que l’état civil, le recensement civil et citoyen anciennement appelé "affaires militaires" ou les élections, ainsi que les bureaux du maire et des adjoints.
Le deuxième étage d’alors (premier étage d’aujourd’hui) abrite la salle des mariages et les salons d’honneur pour le conseil municipal, les fêtes et les réceptions. Côté administratif, s’y trouvent notamment, en 1934, les services de l’octroi, du contentieux, de l’architecture et de la voirie.
L’ancien troisième étage n’est pas encore aménagé et vise à servir aux futures extensions des services. Aujourd’hui, il regroupe la direction des Affaires financières, la direction générale des Services ou encore celle de l’Urbanisme. Le dernier étage, auparavant dédié aux archives et aux fournitures, abrite aujourd’hui les directions des Ressources humaines, des Bâtiments et des Systèmes d’information. Enfin, un petit encadré rappelle que, pour contacter la mairie, il faut composer les numéros suivants : Auteuil 23-62, 63, 64 ou 65.
Une nef inondée de lumière, vraiment impressionnante
Le Bulletin municipal officiel reprend également un article du célèbre hebdomadaire Vu, qui loue trois communes, Villeurbanne, Puteaux et Boulogne-Billancourt, pour avoir "pensé à faire construire leurs nouvelles mairies en dehors de toutes traditions les plus solidement établies". Le papier évoque le travail de l’architecte Tony Garnier, à l’origine de la conception de l’hôtel de ville : "Son dessin aigu, serré, atteint une grande allure. […] L’impression qui se dégage de cette nef, inondée de lumière et où éclate la brillance des nickels, est vraiment impressionnante. On pense à certaines cathédrales." Et l’article conclut sur ces bâtisses en ces termes : "Ces œuvres-là sont faites pour nous redonner confiance, et elles relèvent notre prestige aux yeux de l’étranger, c’est pourquoi elles font honneur aux trois hommes qui les ont conçues et réalisées."
15 décembre 1934 : visite et inauguration du nouvel hôtel de ville
En ce 15 décembre 1934 après-midi, un petit homme emmitouflé dans une épaisse redingote, chapeau de feutre vissé sur la tête et lunettes rondes sur le nez, sort de la station de métro Marcel-Sembat et remonte à la hâte le boulevard Jean-Jaurès. Il sort de sa poche le petit carton d’invitation, couleur saumon, qu’il a reçu quelques jours auparavant. "Le XXVe Congrès de l’Association nationale des Maires de France, l’Union des Maires de la Seine... le Directeur général des Beaux-Arts nous feront l’honneur de visiter le samedi 15 décembre 1934, à 15 heures, notre nouvel hôtel de ville et de procéder à son inauguration officielle. Nous serions très heureux si vous vouliez bien vous joindre à eux."
Il est déjà 14h45. Il presse le pas, tourne dans la rue Georges-Sorel et découvre avec surprise le bâtiment.
Des lignes majestueuses
Certes, il avait bien entendu parler du caractère tout à fait moderne de l’édifice, souvent pour dénoncer l’austérité de ce bloc cubique de béton armé. Mais ce qui s’élève devant ses yeux va bien au-delà de ce qu’il s’était imaginé. Tony Garnier, l’architecte lyonnais à qui le maire, André Morizet, a confié le projet, a dessiné un bâtiment auquel la simplification des lignes confère un aspect majestueux. Comment imaginer qu’à peine trois ans auparavant, une carrière de sable et des habitations, qu’il faut bien qualifier d’insalubres, occupaient ces terrains ? Certaines subsistent, mais le projet de prolongation du boulevard de la République jusqu’au pont de Saint-Cloud se chargera bien de les faire disparaître.
Une atmosphère raffinée
Notre visiteur arrête là ses réflexions et monte les marches qui mènent à l’entrée principale. Là, il est accueilli par un appariteur qui l’invite à emprunter l’escalier magistral bordé d’une tapisserie rehaussée d’or. Il apprend par un agent posté sur le palier qu’il s’agit d’une tapisserie fabriquée à la Manufacture des Gobelins, représentant Le Triomphe de Bacchus. Il continue son ascension et arrive dans les salons d’honneur. Il avait entendu dire que la consigne de Morizet à Garnier était "le somptueux sacrifié au pratique", mais le voilà bien étonné. Les murs dorés à la feuille et le soubassement en marbre noir donnent à cette salle une atmosphère des plus raffinées à laquelle la frise de Joseph Bernard, tout en sobriété, apporte une incontestable élégance. Il se glisse parmi les convives, salue quelques connaissances avant que l’assistance ne se tourne tout entière vers André Morizet, qui débute son discours. On loue la beauté, la clarté et l’audace de l’édifice où tous les services, jusqu’ici dispersés, sont enfin rassemblés dans un seul bâtiment installé au centre géographique de la ville. Et quel meilleur moyen d’apprécier les avantages de cette nouvelle maison commune que de la visiter ?
Un bâtiment résolument moderne
Guidé par un appariteur, notre visiteur découvre donc le bureau du maire, le standard téléphonique où sont regroupées les lignes qui font communiquer la mairie avec l’extérieur et celles reliant les différents services municipaux – soit plus de 100 postes. Il aperçoit l’horloge électrique commandant toutes celles du bâtiment. Bientôt, il est mené jusqu’au hall central, dont il peut admirer la structure générale d’un seul coup d’œil. Ici, nul couloir ou bureau sombre et difficilement accessible, mais des guichets qui permettent le contact direct avec les agents municipaux. Il est ensuite invité à utiliser le large escalier qui mène au dernier étage, où sont conservées les archives et où, dit-on, sera bientôt installé un musée du vieux Boulogne. L’itinéraire se poursuit au sous-sol, où le système de chauffage, composé de six chaudières et d’une soufflerie, entraîne l’air chaud vers les deux bouches du grand hall. Il intervient alors pour dire qu’il n’a vu aucune bouche d’aération dans le hall. "Oh mais si !", lui rétorque alors son guide : "elles ont été savamment habillées de banquettes pour leur attribuer une double utilité." Au terme de son parcours, tandis qu’il enfile son manteau pour retourner dans le froid hivernal, notre visiteur se dit qu’avec ce bâtiment hardiment de son époque, à la fois palais et usine communale, Boulogne-Billancourt a sans doute trouvé son âme.
Claude Colas, chef de service des Archives municipales
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