HISTOIRE
Jours de Libération
Après cinq années de guerre et d’occupation allemande, frappée par de nombreux bombardements, la ville de Boulogne-Billancourt porte l’un des premiers grands soulèvements populaires de la région parisienne. La plupart des Boulonnais ne le savent pas encore, mais le processus de la Libération de Boulogne-Billancourt — et de Paris — est en marche.
Nuit du 16 au 17 août : 35 Français fusillés
Un groupe de 35 Français, appartenant à différents mouvements de la Résistance et âgés pour la plupart de 18 à 24 ans, est attiré dans un guet-apens par un agent double sous prétexte de leur fournir un important stock d'armes. Ils sont fusillés par la Gestapo à proximité de la Grande Cascade du bois de Boulogne. Les chênes portent, aujourd'hui encore, les traces des balles.
18 août : hommage aux 35 martyrs
Un rassemblement se tient à l'endroit où s'est passé le drame. Une cérémonie a lieu depuis chaque année devant la stèle cylindrique qui rend hommage aux fusillés.
Le même jour, une grève générale éclate en France ; le colonel Rol-Tanguy, responsable régional des Forces françaises de l’intérieur (FFI) pour l'Île-de-France, appelle à l'insurrection.
19 août : des agents libèrent le commissariat
Des agents de la ville hissent le drapeau français sur le commissariat de police de Boulogne-Billancourt, qui est évacué. Dans les affrontements qui s’ensuivent,
deux gardiens de police sont tués : Martin Marcel, 25 ans, et Félix Burlot, 36 ans. Peu après, la foule recule dans le poste de secours de la mairie.
Une brève trêve permet aux Allemands d'évacuer la capitale et à la Résistance de conforter ses positions.
20 août : le drapeau français sur l’hôtel de ville
Une colonne partie de la place Nationale (actuelle place Jules-Guesde), composée d’ouvriers et militants communistes et socialistes, se dirige vers la mairie de Boulogne-Billancourt. Le drapeau français est hissé sur l'hôtel de ville. A 15h, les autorités imposent "le plus grand calme à la population, qui est priée de ne pas stationner dans les rues", et décrètent un "couvre-feu maintenu, jusqu’à nouvel ordre, de 21 heures à 6 heures."
De leur côté, les FFI s’organisent et réclament une intervention immédiate des Alliés.
21 août : le Comité de Libération s’empare de la mairie
Le Comité local de Libération (CLL), présidé par Alphonse Le Gallo, chef de bureau à la mairie et membre du réseau Libération Nord, prend possession de l'hôtel de ville au nom des mouvements de la Résistance et appelle à son tour la population au calme.
Le commandant Duval envoie un premier groupe sans arme pour protéger les usines Renault sur la place Jules-Guesde, ex-place Nationale. Une patrouille allemande tente de forcer la porte, sans succès. Le groupe suivant sera armé.
Sur le pont de Saint-Cloud, Robert Peres, 46 ans, membre du mouvement de résistance Libération Nord, est tombé sous des balles allemandes.
22 août : la 2e DB marche sur Paris
Suite au Débarquement du 6 juin, les généraux américains Eisenhower et Bradley prévoient de foncer vers l'Allemagne et de ne libérer la capitale qu'en octobre. Or, à Alger en décembre 1943, le commandant en chef des forces alliées avait promis au général de Gaulle, chef du GPRF (Gouvernement provisoire de la République française) que la libération de Paris serait confiée à une unité française. Dans l'après-midi, le général Leclerc donne déjà l'ordre aux éléments de reconnaissance de sa 2e division blindée de marcher sur la région parisienne. Convaincu par de Gaulle et les services secrets alliés de l'importance symbolique et stratégique de la capitale, Eisenhower donne son accord à 19h15.
Le même jour, le résistant Michel Farkas est abattu à Boulogne-Billancourt.
23 août : les FFI défendent le pont de Sèvres
Sans soutien aérien allié sur 200 km, la 2e DB s’élance à l’aube dans ce que le général Leclerc appelle "la galopade à tombeau ouvert vers Paris" et contourne par le sud les fortes positions allemandes placées à l'ouest de la capitale.
Dans la matinée, un barrage établi par les FFI au pont de Sèvres repousse avec succès l'attaque de deux sections allemandes.
Les premières barricades sont érigées dans les rues de Boulogne-Billancourt pour empêcher la retraite des occupants, qui refluent en désordre. Elles seront plus d'une centaine. Pendant deux jours, les rues de la ville sont le théâtre d'accrochages et embuscades organisés par des partisans et résistants.
24 août : la 2e DB à l'entrée de Boulogne-Billancourt
Dans la matinée du 24 août, Pierre Hofberger, 17 ans, membre d'un groupe de Résistance des HBM (habitations bon marché, futures HLM) est tué lors de l'attaque d'une patrouille allemande avenue des Moulineaux (actuelle avenue Pierre-Grenier). Emile Pelletier, 17 ans lui aussi, est abattu au pont de Billancourt.
- Témoignage : La libération de Boulogne-Billancourt dans les yeux d'un jeune homme, Christian de la Bachellerie
Vers 17 h, les résistants postés derrière la barricade du pont de Sèvres voient arriver à très faible allure quelques chars précédés de soldats longeant les murs puis les parapets du pont. Ils pensent d’abord que ce sont les Allemands qui se replient après les affrontements qui ont eu lieu à Sèvres.
Bientôt, ils reconnaissent les uniformes de l’armée française. Il s’agit du groupe tactique de la 2e DB dirigé par le colonel Girot de Langlade (GDL). Après plusieurs heures de tirs nourris dans des communes voisines, il attend son ravitaillement en essence sur la rive de la Seine, ainsi que des ordres pour entrer dans Paris, mais sa radio est déficiente.
Les hommes sont immédiatement entourés et fêtés par la population civile. L’avenue Édouard-Vaillant, quasiment déserte, est en quelques minutes envahie par la foule criant, chantant, riant, pleurant.
Tous veulent toucher, embrasser les soldats français, "ces garçons de chez nous " qui apportent avec eux l’espérance et la liberté.
Le lieutenant Paul Batiment, du sous-groupement Massu, soutenu par un peloton de chars, franchit le pont et se place en protection à l'entrée de l’avenue Edouard-Vaillant. Au cours de la nuit, une compagnie de parachutistes allemande lance une attaque et cause la perte de cinq hommes.
25 août : la ville acclame ses héros
Au petit matin, alors que le groupement Langlade de la 2e DB se prépare à faire mouvement, l'ennemi tente une sortie depuis les usines Renault de l’île Seguin. Il est stoppé par la 6e Compagnie du RMT et par les chars du 12e RCA.
Pendant ce temps, Pierre Lorrain, directeur des ateliers d'entretien de Renault et ex-lieutenant de vaisseau, hisse avec ses camarades un drapeau français devant l'entrée principale de l'usine sur l'île Seguin. Au moment où les couleurs s'élèvent à leur tour sur le navire de maintenance, à la pointe de l'île, il est abattu par une rafale de mitraillette. À 10 h, 200 soldats allemands se rendent.
25 août, 10h
Acclamé par une foule en liesse, le GTL de la 2e DB traverse la ville en empruntant l’avenue Édouard-Vaillant, dont la partie allant du pont de Sèvres à la place Marcel-Sembat porte aujourd’hui le nom du général Leclerc (par délibération du 14 février 1948). La foule envahit les rues, monte sur les chars, partout les drapeaux fleurissent.
Mais les accrochages se poursuivent : Henri Bizet, 21 ans, membre des FFI, est tué à l'entrée du pont d'Issy, ainsi qu'André Riant et Roger Hadoux.
25 août, midi
Massu et ses hommes entrent dans Paris par la porte de Saint-Cloud pour gagner les Champs-Elysées. Après Paris, la 2e DB doit poursuivre sa route vers Strasbourg, puis l’Allemagne. Au même moment, le bois de Boulogne est délivré de l'occupant par le groupement du colonel Rémy. De leur côté, les FFI harcèlent encore, depuis les HBM de l'Avre, l'arsenal du camp allemand sur l'île Saint-Germain.
Une borne de la voie de la 2e DB a été posée près d'un monument au général Leclerc le 28 novembre 2014, jour anniversaire de sa disparition, sur la D910 au rond-point du pont de Sèvres (cliquer sur la carte).
Voir à ce sujet : La Voie de la 2e DB, des plages du Débarquement à Strasbourg, Guide vert Michelin, Edition spéciale, p. 88.
26 août, 17h : le Comité de Libération se présente aux Boulonnais
Les Allemands de la garnison de l'île Saint-Germain se rendent enfin. Dans l'action, des FFI ont été tués : Pierre Poli, André Carof, 44 ans, et Louis Lazennec, 42 ans, au bas de la rue de Seine.
Le Comité local de libération est en mesure de se présenter à la population depuis le balcon de l'hôtel de ville. La guerre est loin d’être terminée, mais les rues de Boulogne-Billancourt sont libérées de l’armée d'occupation.
23 octobre : Alphonse Le Gallo préside le conseil municipal
Première réunion en séance publique, sous la présidence d’Alphonse Le Gallo, du conseil municipal issu des organisations de la Résistance. Une délégation spéciale chargée d’administrer la commune est nommée, avec Le Gallo désigné comme président et Marcel Duval son adjoint, en attendant les élections d'avril 1945. C’est le temps des hommages et des bilans ; ensuite viendra celui de la reconstruction...
Les Archives municipales sont à la recherche de tout document original (correspondances, photos, films, carnets personnels) en lien avec ce moment crucial de l’histoire de la ville.
Si vous souhaitez contribuer à la mémoire de cet événement, vous pourrez donner les documents en votre possession ou les prêter pour numérisation au service des Archives à l’occasion des Journées européennes du patrimoine : rendez-vous au rez-de-jardin de l’hôtel de ville, samedi 21 septembre de 9h30 à 11h30 et dimanche 22 septembre de 14 h à 17h.