Paroles de boulonnais
Ludivine Blanc, une championne du monde de natation totalement givrée
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Son téléphone bipe peut-être un peu plus que d’habitude. Elle revient d’une émission sur Fun Radio, une vidéo lui est consacrée sur le site de la Fédération française de natation, des articles dans Marie-Claire, l’Équipe Magazine… Ludivine sourit, avec une sincérité désarmante : "Je commence à réaliser que j’ai fait un truc pas mal."
Ce "truc" n’est rien moins que trois titres de championne du monde de natation et trois records du monde décrochés à Samoëns (Haute-Savoie) entre le 12 et le 15 janvier (50 m nage libre en 28’’85, 50 m dos en 33’’19, 100 m nage libre en 1’04’’42). Et c’est même un "truc de dingue", puisqu’il s’agissait d’une compétition sous l’égide de l’International Ice Swimming Association, natation en "eau glacée", au-dessous de 4,9°C, la température requise au niveau international.
"Entre compétitrices et compétiteurs, on s’appelle les givrés", ajoute-t-elle. La question brûle les lèvres. Pourquoi ?
"J’aime bien me lancer des défis, explique simplement la sportive de haut niveau. Là, et peu importe mon résultat, l’objectif était d’arriver à me dépasser, à nager 25 ou 50 mètres. Lors de ma première expérience, aux championnats de France (3 titres en 2022 à Megève, ndlr), j’ai eu l’impression d’étouffer, les poumons en feu, et de nager dans un bassin rempli de bouts de verre qui rentraient dans ma bouche. Quand j’ai touché le mur, la première info que m’a envoyée mon corps, c’est “sortir de l’eau”. Ensuite, est arrivée une énorme vague de douleur, qui a duré 5 à 6 secondes. J’ai mis 45 minutes pour arrêter de trembler, enveloppée de deux couvertures dans un sauna à 90 degrés. J’ai moins subi aux championnats du monde."
Femme de défis – en nage libre mais aussi à vélo –, Ludivine, ambassadrice de la Fédération française de cardiologie, en a relevé deux autres qui valent bien des médailles. D’abord, ce fut une péricardite, qui lui fit craindre de devoir arrêter le sport. Écueil surmonté. Pire encore, le 30 septembre dernier, à Montpellier, la jeune femme, à vélo, est percutée par une automobile dont le conducteur est en tort. Traumatisme crânien, commotion cérébrale. La cryothérapie participera de son rétablissement quasi miraculeux. Quand "ça ne va pas fort" (mais pas seulement), l’oiseau revient au nid, à Boulogne-Billancourt. Elle y a vu le jour et appris à nager, étudié (collège du Parchamp, lycée Notre-Dame, cours d’Aguesseau) et obtenu un bac S avant de filer en filière Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) à Marseille. Toute jeune, elle a décroché aussi pas mal de médailles avec l’ACBB et sa grande sœur Charlotte, qui s’est mariée en juillet dernier à l’église Notre-Dame.
"S’il y a un endroit où il faut que je me retrouve, c’est ici, confie-t-elle, parce que c’est ma maison et c’est ma ville."
Elle "remonte" aussi pour les fêtes, retrouver – immuable tradition – une petite dizaine de copains d’enfance. On l’a croisée récemment, avant les championnats, à la piscine, qui a réservé pour elle des créneaux d’entraînement. Forte de plusieurs diplômes universitaires (dont l’accompagnement des sportifs blessés), Ludivine s’est professionnalisée dans la préparation mentale (et physique). Elle conseille des sportifs mais intervient aussi en entreprise, auprès de managers. Ou de tout un chacun.
Le sport permet d’apprendre à mieux se connaître, analyse-t-elle. Maîtriser ses propres limites, prendre conscience de quoi on est capable développe la confiance en soi."
L’eau glacée ? Ludivine y goûtera peut-être de nouveau, sur une plus longue distance. Mais elle est surtout fière de détenir des records du monde dans deux disciplines différentes. L’eau glacée, donc, mais aussi le sauvetage sportif, sport aussi méconnu qu’exigeant.
"Pour que vos jambes dirigent votre tête ", telle est sa devise. Message reçu.
Christophe Driancourt
Site : ludivineblanc.fr