Tina Kieffer, fondatrice de Toutes à l’école
Publié le
Elle a dirigé le mensuel Marie-Claire, après une belle carrière à la télévision. Depuis douze ans, Tina Kieffer consacre sa vie à l’association Toutes à l’école, qu’elle a créée au Cambodge en 2005 et dont le siège se situe à Boulogne-Billancourt.
Certains se souviendront de la piquante chroniqueuse du magazine télé culte Frou-frou, dans les années 90. D’autres se rappelleront qu’après son passage par TF1, et plusieurs équipées éditoriales, elle a pris les commandes, dans les années 2000, du mensuel phare de la presse féminine, Marie-Claire, qu’elle a modernisé. Dans son bureau boulonnais, siège de l’association Toutes à l’école qu’elle a fondée, Tina Kieffer parle volontiers de cette multiple carrière de journaliste, menée tambour battant. Voix basse à haut débit, énergie d’entrepreneuse et une bonne dose d’autodérision…, cette femme est faite pour le mouvement, de préférence celui qu’elle initie. Le sujet qui l’habite, c’est bien son association, qu’elle fait vivre et prospérer depuis 2005. L’histoire est belle. Comme il s’agit d’une ONG au service de l’éducation des petites filles, elle pourrait commencer par : il était une fois une journaliste brillante, mère de quatre enfants, qui part au Cambodge en 2004… Une suite de hasards la met en contact avec une petite fille de 3 ans dans un orphelinat. Une "sauvageonne" muette, qui s’accroche à elle. Cette rencontre, un coup de foudre, est racontée dans son livre Une déflagration d’amour (Poche), sous-titré Aimer une enfant, en sauver mille… Et c’est exactement ce qu’il va se passer
ÉDUQUER, SOIGNER, AIDER
Tina se bat pour recueillir l’enfant. Quand elle peut enfin venir la chercher, elle voit toutes les autres, celles qui restent. "Je crois à l’éducation des filles. À Marie-Claire, nous avons largement milité pour cette cause, Tina Kieffer, fondatrice de Toutes à l’école Éduquer les filles, changer le monde affirme-t-elle. Pour faire exister cette idée d’école, nous avons lancé une grande campagne, la Rose Marie-Claire. Ainsi est sorti de terre le premier bâtiment, qui abrite les primaires." L’école prend le nom d’Happy Chandara. Chandara, comme la petite fille, âgée de 20 ans aujourd’hui. D’autres campagnes suivront, Tina mobilise son réseau, important, "ça aide" dit-elle dans un rire. Elle peut développer sa conviction : un établissement accueillant les petites filles, mais avec une prise en charge médicale, et parfois matérielle, incluant leurs familles. "Cette approche globale était nécessaire; les petites n’ont pas de conflit de loyauté à l’égard de leur famille, elles sont motivées pour bien travailler", explique Tina. En 2010, elle quitte Marie-Claire, sans regret, pour se consacrer entièrement à Toutes à l’école.
FIÈRE DE SES PROTÉGÉES
L’histoire se poursuit, l’école grandit avec les enfants. On fête les premiers bacs avec 100% de réussite, une joie infinie pour ces filles de milieux analphabètes pour la plupart. Pas question cependant de les lâcher dans un monde universitaire dont peu maîtrisent les codes. Deux foyers ouvrent ensuite à Phnom Penh pour accueillir les 400 étudiantes en supérieur. Le taux de réussite des élèves d’Happy Chandara est exceptionnel. "Nous suivons le programme scolaire cambodgien, mais là-bas, l’enseignement n’est qu’à mi-temps, précise Tina. Sur le temps restant, nous leur enseignons des valeurs humanistes. Les langues, dont le français, les maths et aussi une solide formation sur la permaculture et le respect de l’environnement. Indispensable dans ce pays très pollué." On la sent fière de ses protégées. Un grand nombre de filles veulent "rendre" ce qu’elles ont reçu : enseigner, participer au service public, s’engager dans des ONG.
UN APPEL À LA GÉNÉROSITÉ DES BOULONNAIS
Au Cambodge, il y a aujourd’hui 1700 filles à accompagner. L’équipe boulonnaise se charge des financements, un défi permanent. "Nous avons des sponsors très constants et motivés, comme Caroll, Sephora, Maisons du monde, Clarins", détaille Tina. Et un partenariat est en train de se nouer avec la Ville, qu’elle a choisie pour son dynamisme :
Nous vivons au quotidien au cœur de Boulogne-Billancourt, et nous avons la chance de profiter de son énergie. Ce soutien de la mairie nous est précieux.
Près de 60% du financement provient aujourd’hui de particuliers qui parrainent une petite fille sur le long terme. "Certains font le voyage pour rendre visite à leur petite filleule, une aventure merveilleuse à partager avec ses enfants et les ouvrir ainsi à la solidarité. Nous avons plutôt bien tenu le coup pendant le Covid, mais là, depuis la guerre en Ukraine, il nous manque des parrains", relate la fondatrice. Elle sait combien les Boulonnais sont généreux, l’appel est lancé. Tina Kieffer, femme de combat, repart le mois prochain pour assister à la remise des diplômes de master de ses premières étudiantes… Il reste encore des belles pages à écrire de l’histoire d’Happy Chandara