Culture, Vie municipale
27 janvier 1945, le général de Gaulle s’adresse aux Boulonnais
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Boulogne-Billancourt est sous la neige. Malgré le froid mordant, une grande foule s’est rassemblée devant l’hôtel de ville. Le général Charles de Gaulle, alors président du gouvernement provisoire de la République, s’adresse aux habitants depuis le balcon, pavoisé aux couleurs nationales.
La victoire est au bout de nos peines, mais ces peines sont réelles et dans cet hiver de guerre, la vie est dure. Partout, la nature semble jouer contre nous. Ce furent d’abord les inondations qui ont ravagé des régions entières, et puis le gel qui a paralysé nos canaux, bloqué les péniches qui auraient amené le charbon. Sur les routes gelées, les transports ne peuvent même plus se transporter eux-mêmes. Le bétail ne trouve plus à brouter que de la neige et nos campagnes ne sont qu’un immense frigidaire d’où on ne peut plus arracher les légumes. Nos voies ferrées consacrées avant tout au besoin des armées ne peuvent plus apporter aux civils rien qui les réchauffe et pas grand-chose qui les nourrisse. Les halles sont vides. En dépit de la bonne volonté du gouvernement, certaines lenteurs et maladresses d’une administration où subsistent trop d’éléments anciens et de routine font que Paris connaît aussi de pitoyables spectacles. Parisiens, Français des grandes villes, dites-vous bien que vous n’êtes pas les plus à plaindre. Songez aux habitants de villes de Normandie qui vivent plus mal que vous dans leurs villes détruites. Le malheur des uns ne fait pas le bonheur des autres, mais il y a deux choses qu’un Français n’a pas le droit d’oublier. La première, c’est que nos soldats se battent dans la neige. La seconde, c’est que d’autres Français, eux, n’ont pas de toit, n’ont pas de murs, n’ont pas de rue, n’ont pas d’eau, pas de lumière du tout, pas de gaz du tout, et que ces Français vivent et espèrent. Songez surtout que tout cela finira quand finira la guerre et que le premier devoir de tous, ce n’est pas d’attendre qu’elle finisse, c’est de hâter sa fin.