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Studios de cinéma : dans cette avenue, le jour se lève
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"C'est l’histoire d’un trio. Un trio qui a découvert le cinéma, et qui a créé parmi les plus belles histoires d’amour jamais portées à l’écran. Au départ, il y a l’amour du cinéma, que chacun a découvert dans son enfance ou son adolescence. Ensuite, il y a la rencontre de Carné, Prévert et Trauner, qui aurait très bien pu ne pas avoir lieu. À l’arrivée, il y a les films.".
Voilà comment le réalisateur Jean-Pierre Jeunet (Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, Un long dimanche de fiançailles...) entame le beau livre qu’il a consacré à ce trio majeur du cinéma, dont le terrain de jeu favori pendant plusieurs décennies fut les mythiques studios de Billancourt.
Parmi la longue liste de grands films qui y furent créés, Le Jour se lève, quatrième collaboration entre Carné et Prévert (entre Quai des brumes et Les Visiteurs du soir), figure comme un long-métrage à la fois innovant et maudit. Innovant, car pour la première fois dans l’histoire du cinéma français, Carné s’autorise de longs flash-back, procédé narratif qui déroutera le spectateur de 1939. Film maudit également, car jugé trop défaitiste au moment où la France s’apprêtait à la guerre. La censure s’en donna également à cœur joie : la scène où Arletty, que rien n’effrayait, sort nue de sa douche, fut coupée au montage...
300 ouvriers pour monter un décor
Aux dialogues de Prévert, si habile à engendrer récits et personnages populaires, s’ajoute l’art incomparable de Trauner pour suggérer l’atmosphère étouffante d’une usine. Ou créer de toutes pièces un immeuble de 6 étages, construit par 300 ouvriers qui ont travaillé jour et nuit sur le gigantesque plateau pour planter le décor du final du film.
Mal compris, réhabilité depuis et intégré parmi les chefs-d’œ du 7e art, Le Jour se lève vaudra néanmoins à ses auteurs d'avoir contribué à la naissance du "réalisme poétique", premier grand courant cinématographique français. Quant à Gabin, prodigieux, il trouve là un rôle à sa mesure, celui d’un homme pris au piège de son destin. Le film contribue à faire de lui l’un des premiers monstres sacrés du cinéma français, un chef de file sollicité par plusieurs générations de cinéastes, à qui la ville où il a si souvent tourné rendra hommage par une exposition en 2022.
Ch. D.
Pour en savoir plus :
- Jean-Pierre Jeunet, N.T. Binh, Philippe Morisson, Les Magiciens du cinéma. Carné, Prévert, Trauner (Éditions Les Arènes).
- David Chanteranne, Marcel Carné, le môme du cinéma français (Éditions Scoteca).
Ces ouvrages, comme le DVD du film présenté par Studio Canal, sont disponibles à la médiathèque Landowski. Le DVD (version restaurée 2014) est accessible dans les points de vente habituels (Prix indicatif Fnac : 10€).