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Quand les Rolling Stones enregistraient à Boulogne-Billancourt
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Dominic Lamblin a souvent écouté "Let’s Spend The Night Together", la chanson des Rolling Stones, mais il ne pensait pas qu’il passerait de si belles nuits avec ses auteurs.
Passe quand tu veux ! Tu connais le chemin !
Un soir d’automne 1977, lorsqu’il rentre chez lui, l’attend un message sur son répondeur : "Passe quand tu veux ! Tu connais le chemin. Mick Jagger." Dominic habite alors Boulogne-Billancourt, rue Anna Jacquin, une adresse idéale pour lui, mais il n’imaginait pas que les légendaires Rolling Stones, avec leurs deux créateurs iconiques, Mick Jagger et Keith Richards, viendraient traîner à quelques stations de bus de chez lui. Ils ont en effet prévu d’enregistrer leur quinzième album Some Girls dans les Studios Pathé Marconi, au 62, rue de Sèvres.
Une vieille amitié avec le groupe
Pour Dominic Lamblin, cette invitation n’est qu’une demi-surprise. Une vieille amitié le lie au groupe britannique depuis 1964, alors que les Rolling Stones n’étaient qu’un petit combo de Rhythm'n'blues dirigé par l’insolent Brian Jones. Etudiant, Dominic travaillait comme stagiaire chez Decca, loin de se douter qu’un chef sans doute distrait lui confierait l’improbable : accompagner le groupe de rock pendant sa tournée française.
Quand ils sont revenus en 1965, je me suis occupé d’eux. Je ne les ai plus quittés !
Car, en délicatesse avec le fisc, les créateurs britanniques se sont réfugiés en France. En 1972, ils ont gravé le chef d’œuvre Exile On Main Street à Villefranche-sur-Mer, près de Nice, et veulent maintenant travailler à Paris. Keith possède un appartement rue du Faubourg-Saint-Honoré, et Mick s’est établi sur les quais, près de l’Alma. Leur ingénieur du son, Chris Kimsey, leur a parlé du studio Pathé Marconi, situé à Boulogne-Billancourt. Dans ses mémoires Life, Keith loue cet "endroit génial pour envoyer de la musique".
Au 62, rue de Sèvres : un studio au top
Chahutés par le punk, sous la menace du disco, les Rolling Stones espèrent effacer le souvenir mitigé de leur précédent disque Black & Blue. Le bâtiment du 62, rue de Sèvres avec son haut plafond leur paraît offrir le meilleur espace sonore. "Je passais vers minuit", raconte Dominic Lamblin. "Le studio n’était pas gardé, la porte restait ouverte. Parfois, je ne trouvais personne. Ils n’utilisaient qu’un tiers de l’espace."
Une trentaine de magnifiques guitares était alignée. Quelques potes, des épouses assistaient aux séances. J’étais heureux d’en faire partie.
"Je prenais le casque entre la batterie de Charlie Watts, et l’ampli de Keith. C’était génial. Un matin, je suis tombé sur Ian Stewart, leur homme à tout faire, prostré. Il attendait que Keith Richards endormi dans les chiottes se réveille. Il m’arrivait aussi de les ramener chez eux car leurs chauffeurs s’étaient barrés. Je ne les ai pas vus jouer le fameux « Miss You ». Je ne venais pas tous les soirs. Je ne pouvais m’amuser à ne dormir que trois heures par nuit, surtout qu’ils ne buvaient pas que du thé".
5 albums enregistrés à Boulogne-Billancourt
Les Rolling Stones enregistreront quatre autres albums à Boulogne-Billancourt, Emotional Rescue (1980), Tattoo You (1981), Undercover (1983) et Dirty Work (1985), et chaque fois Dominic, même installé à la Baule, reviendra. Il verra l’ambiance se tendre, assistera aux angoisses du batteur Charlie Watts, aimera la bonne humeur contagieuse du guitariste Ron Wood, et suivra le travail minutieux sur la console pour transformer des morceaux de dix minutes en pièces nerveuses.
Satisfaction : une playlist de souvenirs
De ces années stoniennes, Dominic Lamblin a rapporté un bel ouvrage Satisfaction aux éditions Larousse. Il retourne à Boulogne-Billancourt où il a gardé beaucoup d’amis, s’est fait soigner à Ambroise Paré qui l’a sauvé. Tant de souvenirs. Il a cette ville dans le cœur. "I Miss You !" Tu me manques !