Sciences
Noémi Renaudin, prix Jeunes Talents France 2022 l’Oréal-Unesco pour les femmes et la science
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Noémi Renaudin, scolarisée en maternelle et primaire à Albert-Bezançon puis collégienne à Dupanloup, a passé une enfance et une adolescence heureuses à Boulogne-Billancourt. Les jardins Albert-Kahn, le parc Rothschild, la place Bernard-Palissy étaient ses terrains de jeux. Elle a pratiqué la danse, l’équitation et le piano, à domicile et au conservatoire. Autant de beaux moments précédant des études de haut niveau qui l’ont un peu éloignée de notre ville. Avec 34 autres jeunes chercheuses de talent, elle vient, à 27 ans, de se voir décerner le prix Jeunes talents l’Oréal-Unesco pour les femmes et la science. Diplômée d’une école d’ingénieur, spécialisée dans l’ingénierie de la santé, elle est doctorante au sein du laboratoire Physique pour la médecine de l’université Paris Sciences et Lettres. Ses recherches visent à développer de nouvelles modalités de neuro-imagerie par ultrasons pour suivre l’activité du cerveau.
- BBI : Sortant d’une grande école d’ingénieur, vous auriez pu opter pour un début de carrière dans le secteur privé, et vous avez choisi la recherche scientifique. Pourquoi ?
Noémi Renaudin : Je voulais d’abord continuer "à faire des sciences" dans le domaine de l’ingénierie de la santé, les sciences de l’ingénieur appliquées au vivant. Mon directeur de thèse m’a présenté les projets, passionnants, du laboratoire. Pour se former, la recherche "académique" est aussi un bel endroit. On a l’opportunité d’apprendre, de lire tout ce qui se fait et l’on n’est peut-être moins contraint pas des objectifs à court terme. Chercheuse est un beau métier. Il convient d’avoir des idées et, pour avoir des idées, il faut échanger avec les autres, ce qui suscite la créativité.
- BBI : Il s’agit dans votre cas de recherche "appliquée" centrée autour de l’étude du cerveau
N. R. : Ce laboratoire travaille sur les outils d’imagerie dans plusieurs domaines, hépatalogie, cardiologie, neurologie. Le cerveau est un secteur fascinant. Nous regardons concrètement l’activité vasculaire. Quand notre cerveau fonctionne, des neurones s’activent dans certaines zones, et le flux sanguin s’adapte en permanence pour leur apporter l’énergie nécessaire, c’est le couplage neurovasculaire. Dans les maladies neuro-dégénératives, on constate, par exemple, un défaut de circulation vasculaire dans le cerveau. C’est un des symptômes assez précoces de la maladie. Notre travail – dans un secteur comportant encore de nombreuses inconnues – consiste à comprendre comment fonctionne un cerveau de façon fondamentale mais aussi d’ouvrir des pistes pour les diagnostics. Via les ultrasons fonctionnels, nous pouvons cartographier un cerveau entier avec une résolution visuelle d’une précision de 10 microns. On voit très très petit et sur l’ensemble de l’organe. Le travail porte aussi sur la temporalité : puis-je avoir une image toutes les minutes? Toutes les secondes ? Les ultra-sons appartiennent à la "grande famille" de l’échographie et sont complémentaires de l’IRM.
- BBI : Que représente pour vous ce prix distinguant des jeunes femmes chercheuses ?
N. R. : Je le reçois avec un peu de fierté, et comme un encouragement! En doctorats – mais cela dépend des domaines –, nous sommes environ à 50/50 de femmes et d’hommes. Mais on n’est plus qu’à 14% de femmes quand on arrive aux postes à responsabilités, directeurs de recherche ou de laboratoire…
- BBI : À titre personnel, vous êtes également passionnée d’écologie, attentive à la biodiversité…
N. R. : La biodiversité est d’abord un enjeu de société, il ne faut pas penser que la science peut tout résoudre. Après avoir travaillé sur des outils à l’usage des médecins en neurosciences, pourquoi pas maintenant travailler sur des outils à destination des écologues, qui ont besoin d’étudier le vivant? L’homme ne peut pas être en bonne santé dans une planète qui est malade.
Propos recueillis par Christophe Driancourt