Paroles de boulonnais
Rémy Salaün, champion de ping Parkinson
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Il est en mission. Le Boulonnais Rémy Salaün est au ping Parkinson ce que les frères Lebrun, médaillés de bronze aux Jeux olympiques, avec qui il a échangé sur les réseaux, sont au tennis de table. Une vitrine, un ambassadeur et son champion. Vainqueur en 2023 du 1er Open de France de ping Parkinson à Aizenay, en Vendée, Rémy a conservé son titre fin mars, au gymnase de la Biodiversité à Boulogne-Billancourt. Un sacre à domicile pour le pilier de l’ACBB, qui s’entraîne chaque mardi et jeudi matin rue du Vieux-Pont-de-Sèvres, sous la piscine municipale, à l’instar d’une vingtaine de personnes atteintes de la même maladie. Ils sont 200 000 en France à être touchés par cette affection dégénérative, deuxième cause de handicap moteur chez l’adulte, caractérisée par une disparition progressive de certains neurones dans le cerveau.
Clarinettiste au CRR
L’âge moyen du diagnostic est de 58 ans. Pour Rémy Salaün, c’est arrivé trois ans plus tôt. Clarinettiste et enseignant au conservatoire à rayonnement régional de Boulogne-Billancourt depuis 2000, il a, en 2017, un problème pour triller sur son instrument, soit jouer les notes très vite. "Je ne comprenais pas pourquoi je n’y arrivais pas. Un médecin m’a guidé vers un neurologue : en dix minutes, il m’a diagnostiqué, se souvient-il. La perte d’odorat avait été le premier symptôme." Il prend des médicaments mais reste dans le déni. "Avec Parkinson, on perd de la dopamine et il y a des conséquences sur le corps, notamment sur le plan cognitif, décrit-il. On dit que la maladie s’est contractée dans votre corps depuis dix ans quand on est diagnostiqué. Les tremblements ne concernent que 15 % des cas. Chez moi, cela relève de l’akinésie, créant des lenteurs et des raideurs musculaires." Une affichette de l’ACBB proposant des ateliers et vantant les bienfaits thérapeutiques du ping Parkinson – développé par la Fédération française de tennis de table et l’association France Parkinson – accélère son destin.
Référent France Parkinson
Le tennis de table, il y a beaucoup joué dans sa jeunesse. Il reprend la raquette, s’entraîne à fond. "Cela m’a fait un bien fou, dit-il. En même temps qu’on joue, on se soigne. On rencontre d’autres gens atteints de la maladie. Chacun la vivant différemment, on partage. J’ai été merveilleusement accueilli. J’y ai trouvé des similitudes avec la musique, dans la rigueur, la répétition des gestes." Compétiteur dans l’âme, Rémy progresse vite. À l’automne 2023, en Crète, il devient champion du monde en double et médaillé d’argent en simple lors du Festival international de la santé. Fin octobre, a eu lieu la nouvelle édition, à Maizières-lès-Metz, en Moselle, avec 150 pongistes dont 50 Français. "J’avais un peu la pression, remarque-t-il. Mon état s’est un peu dégradé cette année. Cette maladie, qui peut rendre dépressif par manque de dopamine, avance par paliers." Cela ne l’empêche pas de figurer comme référent au sein du Comité des Hauts-de-Seine de France Parkinson, ni d’être le capitaine d’une équipe en D2 de l’ACBBTT.
Père de huit enfants
Installé dans la ville depuis 2016, retraité depuis août, ce père de huit enfants, dont cinq sont inscrits au conservatoire, continue d’emmener son petit dernier, 6 ans, à la maternelle Voisin. Il s’entraîne quasiment tous les jours à l’ACBB ou à l’Association des nouveaux retraités et assimilés de Boulogne-Billancourt (ANRABB). S’il est passionné par son sport, il n’empoche aucun gain. Son combat est dans la reconnaissance, comme la prochaine instauration de tournois régionaux. En attendant, "qui sait", de pouvoir participer aux Jeux paralympiques. "Ce sport a donné un deuxième souffle à ma vie, se réjouit-il. Jouer, gagner, ça motive. Cette motivation crée de l’adrénaline, et donc de la dopamine, dont je suis privé. Chaque balle est une victoire contre la maladie."
Arnaud Ramsay