@Saragoussi
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Paroles de boulonnais

"Merci de m’avoir tant aimée"

En épousant Jean-Pierre Marielle en 2003, Agathe Natanson a adopté la ville qu’il habitait depuis de longues années. Sa disparition en 2019 lui a inspiré des lettres adressées à l’homme tant aimé et rassemblées dans le livre "Chantons sous les larmes". Une correspondance pour lui raconter le deuil, mais aussi la capacité à chérir le souvenir d’une vie extravagante aux côtés du formidable comédien.

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"J’ai toujours écrit. Sur des bouts de papier, et surtout beaucoup de lettres, à mes proches, à mes amis. Après le départ de Jean-Pierre, j’ai commencé cette correspondance pour lui raconter comment j’essayais de continuer à vivre." Agathe Natanson a l’art des mots. Elle les a beaucoup servis au cours de sa jolie carrière de comédienne. Mais, dans ce livre poétique et bouleversant, alternant chagrins et éclats de joie, ses mots vont à l’absent, son mari Jean-Pierre Marielle, disparu en 2019. Assise dans son salon boulonnais, élégance et humour intacts, elle tente de raisonner le turbulent Roméo, adorable petit chien qui égaye sa vie et l’accompagne partout, en voyage, sur les tournages. Son livre Chantons sous les larmes – Lettres à Jean-Pierre Marielle est né de l’envie d’un "manuel de survie à l’usage des veuves", un mot un peu tabou, "un état particulier ; nous sommes comme amputées d’un membre, vivant un chagrin que personne ne peut vraiment partager". Il faut dire qu’il occupait l’espace, son grand homme, avec son humour ravageur, son extravagance, sa tendresse absolue, et plus encore quand la maladie d’Alzheimer s’est installée et qu’elle est devenue son rempart.

La ville qu'elle ne quittera jamais

Elle évoque leur vie commune à Boulogne-Billancourt, ville qui a apprivoisé cette authentique germanopratine, et qu’elle "ne quittera jamais". Elle s’y balade souvent, contente d’échanger avec les commerçants, ceux du marché Escudier, d’aller au cinéma, ou de musarder aux Passages. Elle commente avec intérêt la programmation du Carré Belle-Feuille, souligne sa qualité. Impossible de ne pas lui demander de raconter sa rencontre avec l’acteur, déjà monstre sacré, en 1999. Une rencontre qui doit tout à celui que Marielle considérait comme son frère, Jean-Paul Belmondo. Agathe jouait avec Bébel Tailleur pour dames au Théâtre des Variétés. La centième, selon la tradition, était célébrée par une fête sur le plateau. "Je n’avais pas l’intention d’y aller, je venais de rater un rôle, mais Naty (Belmondo) avait insisté. Jean-Paul avait bien sûr invité Jean-Pierre qui, de son côté, ne voulait pas non plus venir, il n’aimait pas trop les mondanités."
Mais l’amitié a ses raisons… "Je me retrouve en face de lui. Il ne se souvenait pas que nous nous étions déjà croisés. Je le provoque un peu, il n’a pas l’habitude… Quand il me raccompagne, il écrit mon numéro au stylo sur son bras comme un ado. À notre premier rendez-vous, il arrive avec un bouquet de violettes, sans savoir qu’elles sont mes fleurs préférées. Et avec des carnets et des jolis papiers glanés dans ma boutique de prédilection. C’était la Saint-Valentin. Nous ne nous sommes plus quittés."

S’occuper des autres avec la Fondation Recherche Alzheimer

Dans une des belles lettres qu’Agathe écrit à son mari pour garder le lien qui les unissait si fort, elle lui dit : "Merci de m’avoir tant aimée." Alors, pour continuer de l’aimer, elle s’engage auprès de la Fondation Recherche Alzheimer. "Ce qui m’est arrivé, ce malheur, cela m’a rendue meilleure. S’occuper des autres est ma raison d’être." Pour faire progresser la recherche médicale sur cette maladie dévastatrice, il faut lever des fonds. "Nous organisons des soirées, parfois avec des artistes, comme à l’Olympia, également à Lyon, où je m’occupe de la programmation. Je participe aussi à des journées d’entretiens partout en France, menées par les fondateurs, le professeur Bruno Dubois et le docteur Olivier de Ladoucette, qui informent sur les progrès scientifiques. J’y assiste pour parler du rôle d’aidant. Souvent éprouvant, mais indispensable."

Jouer, toujours

Sa passion de jouer est intacte. Elle est passée par la Comédie-Française, les plateaux de cinéma, a eu de nombreux rôles au théâtre, et admet, "à mon âge, on vous propose moins de rôles". Et pourtant, elle fait régulièrement des lectures, partira début octobre jouer sous la direction de la fidèle Josée Dayan, avec laquelle elle a tourné plusieurs Capitaine Marleau. Avec en perspective un autre rendez-vous qui lui tient à cœur : venir à la rencontre des Boulonnais au prochain Salon du livre de sa ville.

Christiane Degrain

Agathe Natanson sera présente au Salon du livre de Boulogne-Billancourt (6-7-8 décembre).