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Naoya, la nouvelle pépite boulonnaise d'esport
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La veille, trois heures durant, depuis le PC de sa chambre, Naoya a participé à la finale du championnat d’Europe en duo sur le jeu vidéo en ligne Fortnite, terminant 35e sur 36 467 participants. Dès la fin de l’entretien dans une brasserie boulonnaise, son brunch avalé – il n’a pas eu le temps de déjeuner ce dimanche pour cause de cours de taekwondo –, le jeune Franco-Japonais de 15 ans file disputer une autre compétition de Fortnite.
"Souvent, nous devons écourter les repas de famille", sourit Christophe Rufin, le père très protecteur et investi du prodige, attiré depuis toujours par la pop culture japonaise, des mangas aux jeux vidéo. Ses parents et sa sœur habitent Boulogne-Billancourt. La filiation s’étale sur plusieurs générations du côté maternel. Lui-même, après des études qui l’ont poussé de Lille (diplôme d’ingénieur de l’École centrale) à Kyoto (diplôme en innovation numérique de l’université de Kyoto), où il a rencontré sa femme, n’envisageait pas de s’installer ailleurs qu’à Boulogne-Billancourt. " Il y fait bon vivre, il y règne une âme, un esprit de famille", assure-t-il. Comme lui, son fils est passé par le primaire Saint-Joseph-du-Parchamp (dans la section japonaise). Idem pour le collège-lycée Jean-de-La-Fontaine, dans le 16e arrondissement. La famille Rufin-Mori vit à moins de dix minutes à pied de GameWard, le club professionnel esport résident officiel de la ville et du centre municipal d’esport.
Cela tombe bien : Naoya est, depuis cet été, la recrue phare de Fortnite. Marcote, figure du jeu de 21 ans et néoretraité, l’a intronisé comme son successeur. Il l’avait repéré en 2021 lors d’un stage multisports au gymnase Cosec des Dominicaines, lors d’une sensibilisation à l’esport.
Habité par la compétition, cet autodidacte guère timide (il a pris des cours de théâtre entre 5 et 11 ans à Boulogne-Billancourt) et maniant les réseaux sociaux, se réjouit d’avoir rejoint GameWard pour la saison, même s’il préfère s’entraîner et jouer depuis sa chambre.
"J’y suis dans de meilleures conditions, j’ai mon matériel", souligne-t-il, tandis que son père, directeur du programme innovation Paris 2024 chez Orange après avoir débuté dans le marketing, mue en une sorte d’ingénieur technique.
"Je suis son préparateur, je m’occupe de la maintenance de la machine", explique Christophe. Les grands joueurs sont soutenus par leur famille. Quand il a commencé, le marché était clair : d’abord les études ! "Si tu rentres en section orientale à La Fontaine, tu passes de la console au PC", a-t-il précisé. Et comme Naoya est un très bon élève…
Une sorte de "Mbappé du gaming", selon Kool Mag
Son agenda est réglé comme une horloge : après ses cours en seconde en section langue orientale, avec cinq heures de japonais par semaine – langue qu’il parle couramment, comme sa sœur Maya, 11 ans, qui pratique aussi les jeux vidéo mais avec une approche ludique –, il joue à la maison deux-trois heures par jour. Avec des compétitions de trois heures le vendredi soir et le dimanche. Résultat : il fait aujourd’hui partie du top 30 français et du top 200 européen de Fortnite, jeu découvert en 2017. Il peut envisager une carrière professionnelle, certes éphémère, et ses gains lui servent surtout d’argent de poche.
"Je ne me vois pas à long terme dans l’esport. D’abord les études, dit-il. J’aime ce jeu car c’est un mélange de vitesse et de stratégie. C’est un combat où il faut survivre le plus longtemps possible."
Comme les champions, Naoya a ses rituels avant les épreuves : "Le vendredi, je rentre des cours vers 17h, je prends une douche et je fais une sieste jusqu’à 18h20, 40 minutes avant le tournoi. À côté de moi, une bouteille d’eau et des noix de cajou." Le secret de la réussite ? Peut-être. Le média digital Kool Mag ne s’y est pas trompé : il y a an, il le présentait comme "une sorte de Mbappé du gaming". La vidéo était devenue virale, pulvérisant son record sur TikTok avec 1,8 million de vues.