Au temps des pouponnières
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À la fin du XIXe siècle, sous l’égide de l’Assistance publique ou d’œuvres de charité, des pouponnières voient le jour dans le but de recueillir les bébés voués à l’abandon ou nés dans des foyers déshérités. Parmi les premières institutions créées, on peut citer celle de Porchefontaine, près de Versailles, ouverte en 1893, ou encore la pouponnière Paul-Manchon à Antony, en 1911. La Première Guerre mondiale et la politique nataliste qui l’a suivie vont intensifier le développement des pouponnières, qui, peu à peu, s’inscrivent dans le paysage social français.
Bébés orphelins et enfants des mamans travaillant en usine
Il existait plusieurs pouponnières à Boulogne-Billancourt. Une première était réservée au personnel des usines Renault. Une autre structure, ouverte par Germaine Coutelier au début des années 1920 et installée au 64, rue du Château, accueillait une quarantaine d’enfants. En 1942, Germaine Coutelier en fit don à la Ville qui, après la Libération, transforma l’établissement en crèche municipale. Mais les frais de fonctionnement trop élevés au regard de la faible fréquentation – à peine une douzaine de nourrissons – imposèrent sa fermeture dès la fin de l’année 1945. La pouponnière la plus importante était sans conteste celle installée à l’angle de l’avenue Robert-Schuman et de la rue Denfert-Rochereau. Cet établissement, implanté dans une belle demeure bourgeoise, était la propriété de l’Entraide des femmes françaises, dont le comité national avait pour vice-présidente Jeanne Thalheimer.
Bénévole au sein de l’hôpital du Grand Palais dès 1914, elle devint infirmière-major l’année suivante. Sensible à la cause de la petite enfance, elle fonda en 1917, avec le soutien de donateurs de l’hôpital, l’Entraide des femmes françaises pour recueillir les bébés orphelins et garder les jeunes enfants des mamans travaillant en usine.
Chaque pouponnière était rattachée à un groupe d’établissements secondaires – lycées ou collèges de filles – dont les élèves participaient à l’entretien du linge et à la confection des pièces pour les layettes. Les anciennes élèves suivaient également à la pouponnière un cours de puériculture en prenant régulièrement part aux visites médicales et aux soins donnés aux enfants.
Un graphique indiquant le poids et la croissance de l'enfant
Ouvert le 15 décembre 1919, l’établissement de Boulogne-Billancourt pouvait alors accueillir 100 lits. À l’édifice principal furent adjoints un atelier, en 1920, et un bâtiment annexe de deux étages cinq ans plus tard. De ces travaux résultait un manque d’unité dans l’aménagement des locaux, très cloisonnés, mais dont le personnel avait su tirer profit puisqu’il facilitait l’isolement des enfants en cas de maladie épidémique. À leur arrivée à la pouponnière, les nouveau-nés étaient isolés les uns des autres et placés en observation dans des chambres vitrées durant trois semaines. Passé ce délai, et s’ils étaient en bonne santé, on les plaçait dans les chambres, dont chaque lit était numéroté et surmonté d’un graphique indiquant le poids et la croissance de l’enfant, et qui se voyait attribuer un lot de biberons. Après un bain quotidien, les enfants étaient nourris selon le régime alimentaire personnel défini par les médecins. Cette belle propriété étant assortie d’un jardin, par beau temps, les enfants pouvaient prendre l’air à l’abri des thuyas, lauriers, marronniers, magnolias et érables qui offraient une ombre salutaire face à l’ardeur du soleil. Au terme de ces soins, les enfants qui avaient retrouvé une bonne constitution physique pouvaient rejoindre un nouveau foyer sélectionné avec attention par la directrice. Gérée plus tard par la Caisse primaire centrale d’assurance maladie de la région parisienne, cette pouponnière a fonctionné jusqu’en 2001, date à laquelle elle a été transférée à Clichy. Le bâtiment abrite désormais l’institut médico-éducatif Solfège.
Claude Colas